Pour certains, la fin d’année est synonyme de « black friday », de sapin de Noël ou de soirées près de la cheminée. Pour beaucoup de managers, cette période s’apparente plus à une course contre la montre.
Le 31 décembre, cette journée que l’on a nonchalamment jugée opportune comme date butoir pour les différents objectifs et projets, devient la hantise de nos journées surchargées.
La fin d’année est donc une épreuve, du genre de celles qui vont mettre à mal votre organisation. On peut aussi considérer que c’est le moment d’évaluer sa façon de travailler et de tenter de sortir de ce cercle infernal.
La méthode magique pour organiser son travail
Et bien, elle n’existe pas. Oui c’est décevant et assez déprimant, mais il est important de l’accepter. Après tout, s’organiser est assez personnel.
Certains peuvent avoir besoin de s’appliquer à la rigueur la plus totale et sont rompus à l’exercice du respect de rétro-planning stricts, d’autres vont préférer travailler dans le présent (ce qui signifie souvent « dans l’urgence ») et à flux tendu.
C’est d’autant plus le cas si l’on adopte une posture agile ou si les activités qui nous sont confiées impliquent une incertitude constante.
Help
Vous pourrez trouver beaucoup de méthodes pour vous organiser : Pomodoro, GTD, to-do listes… Elles sont censées vous aider à devenir la Marie Kondo du management. Et peut-être que ce sera le cas pour vous.
De mon côté, je vais vous proposer plutôt une méthode bien connue mais souvent mal appliquée : la matrice d’Eisenhower.
« Ce qui est important est rarement urgent et ce qui est urgent rarement important »
Voici donc la citation à l’origine de cette méthode. La légende dit qu’elle aurait été prononcée par Dwight D. Eisenhower, le 34ème président des Etats-Unis.
A première vue, on pourrait croire à un « bon mot » destiné à faire réfléchir les curieux. Et pourtant, cette phrase prend tout son sens dès que l’on parvient à prendre du recul sur son activité.
En commençant déjà par se poser la plus importante des questions.
C’est quoi être manager?
J’ai souvent l’habitude de dire qu’être manager, c’est prendre dix décisions dans la journée, avoir raison six fois et passer le reste du temps à rattraper ses quatre erreurs.
Concrètement, le champ d’activité d’un manager peut grandement varier mais, il ne faut pas se mentir, le gros du boulot consiste à traiter 300 mails par jours tout en respectant des objectifs et des délais et en gérant le relationnel avec son équipe.
Prendre du recul, c’est d’abord se dire que c’est impossible de réussir. Tout simplement.
A moins d’être Clark Kent et pouvoir sortir une cape de son tiroir quand le stress commence à monter, il faut se rendre à l’évidence : personne ne peut abattre cette tâche.
Déculpabilisons
Vous partez du travail et vous n’avez pas réussi à tout achever? Vous êtes abattu? « Suis-je un mauvais manager » vous demandez-vous, la mine triste?
La réponse est non… sauf si vous persistez à vouloir réussir.
Les anglais ont une expression qu’ils utilisent couramment : « Let go ». Désormais, on entend de plus en plus parler de sa variante française, le « lâcher prise ». Car oui, si vous voulez partir avec le sourire le soir, il va falloir lâcher prise. Beaucoup.
Savoir s’organiser dans son travail, c’est donc aussi arrêter de culpabiliser et se connaître soi-même. C’est savoir dire « non ». C’est savoir ajourner. C’est savoir déléguer. C’est aussi savoir faire le bon choix parmi ces options.
Observons donc cette fameuse matrice. Elle est composée de deux axes. Les axes correspondent à l’importance et à l’urgence et permettent donc de classer les tâches dans quatre quadrants.

Urgent et important
Votre première mission va être de discriminer les tâches urgentes et importantes : gestion de crise, sollicitation de votre direction sur un sujet sensible, réponse au téléphone pour dénouer une situation.
Il faut inclure également dans cette catégorie ce qui est urgent et important par rapport à vos valeurs personnelles. On travaille également pour soi, un peu d’égoïsme dans la planification de son activité est bon pour son estime personnelle 😉
Vous l’avez compris, vos priorités de la journée se trouvent dans ce quadrant. Si votre temps est compté, limitez vous à celui-ci.
Important mais pas urgent
On pourrait renommer ce quadrant : « il est urgent d’attendre ».
Vous trouverez ici ce qu’il va être nécessaire de prévoir et de planifier. Ce n’est pas l’activité la plus enrichissante mais c’est le moment d’organiser les réunions, de formaliser les rétro-plannings, de réserver les salles, de remplir votre agenda.
L’objectif est de vous assurer d’avoir le temps d’accomplir ces tâches dans les meilleures conditions.
Attention, dans ce quadrant, l’importance est objective. Un élément peut vous paraître futile mais avoir une grande importance pour l’un de vos collaborateurs. Vous vous devez de lui réserver le même traitement.
Petite astuce : demander des précisions sur la tâche permet de s’assurer de la réelle importance que lui accorde son interlocuteur. Pas de réponse signifie que vous pouvez considérer que ça ne l’est pas.
Urgent mais pas important
En ce qui concerne les tâches que vous affecterez dans ce quadrant, elles nécessitent d’apporter une réponse très rapide à des questions sans grande importance.
Si vous triez efficacement, vous y retrouverez, en fait, la majorité de vos mails, de vos appels téléphoniques, de vos messages instantanés et autres sollicitations de tous les jours.
Il est important de ne pas se laisser déborder et c’est vraiment là que la matrice d’Eisenhower va vous aider à souffler.
Soit vous pouvez dire « non », « je ne sais pas », « je ne peux pas te dire en ce moment », soit vous devez déléguer.
Le manque de délégation est le point faible de bien des managers. Il se retrouvent vite dans l’impasse de leur volonté de tout contrôler et finissent par échouer systématiquement ou renvoyer une image négative de leur travail alors même qu’ils ont l’impression de travailler plus dur que les autres.
Déléguer n’est pas un échec, bien au contraire. C’est la preuve d’une confiance réciproque entre vous et vos collaborateurs et souvent une source de créativité insoupçonnée. Ne négligez pas cet aspect.
Ni important ni urgent
Pas de complexe à avoir : ces tâches doivent disparaître!
La corbeille est votre meilleure amie dans ce quadrant. Regarder les mails inutiles s’évanouir dans le néant de vos « éléments supprimés » est particulièrement satisfaisant. Ne vous embarquez pas dans des missions qui n’apporteront rien ni à vous ni à l’entreprise ou des discussions stériles.
Un peu d’humilité : vous n’êtes pas essentiel pour tout.
Il conviendra également d’être honnête quant aux sollicitations de vos collaborateurs et de leur dire pourquoi vous n’y répondrez pas. Soyez simples : « je n’ai pas le temps », « cela ne me paraît pas important »…
S’abstenir de s’appesantir sur ces tâches a d’ailleurs généralement pour effet de les rendre bien moins fréquentes.
Repenser son rôle
L’intérêt de cette méthode est qu’elle exige de faire le point sur son activité, de déterminer là où notre action amène une plus-value, les champs qu’on souhaite investir et ceux qu’on négligera plus facilement.
D’ailleurs, n’imaginez pas que de dire non lorsqu’on vous demande quelque chose ou de donner un délai honnête de réalisation de la tâche écornera votre image de manager, bien au contraire. L’honnêteté est une vertu bien mal mise en avant et pourtant essentielle.
Mais attention
Parce que oui, comme toute méthode, il y a un risque. A appliquer strictement ce tri, vous allez augmenter votre réactivité sur les sujets importants.
L’effet pervers est que, si c’est le cas, de plus en plus de tâches importantes et demandant de la réactivité vont vous être confiées.
Mon conseil est de veiller constamment à ce que le quadrant correspondant aux tâches urgentes et importantes ne se remplisse pas démesurément.
Si c’était le cas, il serait alors nécessaire d’alerter sur votre charge de travail, de renégocier les moyens ou de déléguer des tâches plus importantes en faisant monter en compétences vos collaborateurs.
Le petit mot de la fin
Comme j’ai évoqué plus haut. D’autres méthodes existent et selon le cas seront plus adaptées à votre manière de manager.
Pour le reste, j’espère que le 31 décembre ne vous paraîtra plus si terrible et que vous trouverez même le temps d’apprécier votre travail « bien fait » avant d’ouvrir le champagne.
Bonsoir,
Merci pour votre billet ; est bien écrit et résume bien cette méthode que je n’aurais pas su nommer. Je vais peut-être le faire suivre à mon manager 🙂
Ayant été manager par le passé cela m’a rappelé des souvenirs, si ce n’est que l’échéance de la fin d’année était accompagnée par les échéances de fin de trimestre.
N’étant pas faite pour l’encadrement, j’ai pu changer de poste depuis et ai réalisé qu’il y avait pour moi une autre chose à prendre en compte en plus de l’urgence et de l’importance : le plaisir à effectuer une tâche donnée ou le plaisir de son résultat.
Ainsi, une tâche peut être plus ou moins urgente et d’une importance relative MAIS m’apporter du plaisir ou de la satisfaction, « compenser » une journée difficile, me permettre de souffler, aider un/une collègue dans son travail, etc. Je peux donc être amenée à m’y atteler alors qu’il y aurait des choses plus importante ou urgentes MAIS aussi plus rébarbatives à mes yeux.
On pourrait alors se dire que c’est le travail de mon manager de me recadrer, mais comme elle est perdue dans ses 300 courriels et ne connaît pas – ou plus – cette matrice d’Eisenhower…
Merci pour ce commentaire.
Comme vous le dites si bien, prendre du plaisir dans son travail est l’essentiel et j’espère que c’est le cas pour vous désormais.
Il est tout de même désolant de voir que cette opinion reste si peu partagée. Je vous invite à lire cet article : https://horsducadre.com/index.php/2019/11/03/peut-on-etre-heureux-au-travail/
Ceux qui ont compris qu’il était important de favoriser le plaisir au travail se sentent sûrement très seuls. Je crois qu’il faut savoir être un peu égoïste. La moitié de notre vie doit avoir un sens!