Vous pouvez constater que de nombreux articles s’attachent actuellement à délivrer le message suivant : le management bienveillant est l’avenir du métier.
Vraiment?
Il est intéressant de s’interroger sur cette notion de management bienveillant. Et tout d’abord, pourquoi ne pas se demander : existe-t-il, en opposition, un type de management qu’on pourrait qualifier de « malveillant »? Bien évidemment : non!
Le management est bienveillant par nature. La raison d’être du manager est bien d’accompagner son équipe afin d’atteindre les objectifs qui lui sont fixés. Être malveillant dans ce contexte serait comme se tirer une balle dans le pied.
Mais dans ce cas, pourquoi tant de discussions émergent autour du management bienveillant?
Argumentum ad verecundiam
« Même lorsque tes enfants sont mécontents, tu dois bien imposer tes choix ».
J’ai entendu cette phrase prononcée au détour d’une réunion lors de laquelle était évoquée une situation de conflit. Et il est vrai qu’en tant que parent, il est parfois nécessaire d’imposer des choix puisque nous sommes alors là pour inculquer des valeurs et favoriser l’autonomie de nos bambins.
Argumentum ad verecundiam, le chef a toujours raison.
Mais attendez deux secondes, mon détecteur de sophisme s’affole. Il ne faut pas oublier que… nos collaborateurs ne sont pas des enfants.
Voyez la porte dans laquelle s’engouffre le management bienveillant? La gestion de conflit s’appuiera alors sur une inéquité assumée : ma position est ferme, je suis l’adulte, je sais ce que je fais. Le salarié doit accepter cette décision et, pour se faire, j’utiliserai le modus operandi du manager bienveillant. Entretien, café, on discute, on tombe d’accord (puisque j’ai raison) et le salarié repart requinqué et remotivé.
Parent vs Enfant
Il faut se méfier de prendre à la lettre tout ce qui tourne autour de l’analyse transactionnelle, cependant les grands principes de cette théorie ont tout leur sens ici.
En analyse transactionnelle, on distingue trois états principaux du Moi. Ceux ci structurent les interactions entre les individus :
Le Parent correspond aux pensées, émotions, et comportements d’une personne qu’elle a fait siens par imitation de figures parentales ou éducatives marquantes.
L’Adulte caractérise les émotions, pensées et comportements qui sont congruents avec la réalité de l' »ici et maintenant ».
L’Enfant correspond aux pensées, émotions, et comportements qui sont une reviviscence de notre propre enfance.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Analyse_transactionnelle
Nous n’allons pas rentrer dans les détails mais vous l’aurez compris, la relation que le manager devra encourager sera la relation adulte – adulte. Et cet idéal n’implique pas d’être bienveillant, mais plutôt d’être empathique et capable de se remettre en question, tout en tentant de rapprocher les désirs et besoins de chacun de la réalité de l’environnement de l’entreprise.
Considérer que les salariés doivent demeurer dans la case « enfant » tandis que le manager « parent », lui qui sait, n’est là que pour « soigner les bobos » n’est que le vestige d’un management du passé qui n’a que peu de place dans notre société contemporaine.
Bien évidemment, la bienveillance est alors présente mais le collaborateur est infantilisé (c’était facile) et même déresponsabilisé. Combien de fois j’ai pu entendre « c’est toi le chef, tu dois trancher ». Et chaque fois cette phrase est un synonyme d’échec. La réussite de l’interaction entre le manager et ses collaborateurs passe par une volonté commune, concertée, partagée, ainsi que par un réel échange.
Le « faux » Lean Management
On ne pourra malheureusement que constater que le déploiement d’un management « Lean » dans la majeure partie des entreprises s’est bâti sur un énorme malentendu.
En réalité, le Lean « à l’occidentale » apparait souvent comme une version fantasmée d’un nouveau Taylorisme. Wikipedia évoque d’ailleurs cela dans sa définition :
L’école de philosophie du lean est marquée (dans la lignée du taylorisme) par la recherche de la performance […] afin d’améliorer la valeur globale pour le client.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Lean_(production)
Voilà donc le malentendu. Il est compréhensible car, de prime abord, le Lean et le Taylorisme ont des similarités : réduction des coûts, mesures de temps, suppression des tâches inutiles.
Et pourtant le Lean s’oppose clairement au Taylorisme dans son approche.
Là où Taylor imposait une façon de travailler optimale aux salariés, minutant leurs gestes afin de maximiser le profit du labeur, le Lean fait l’inverse. Il est sensé donner aux « gens de terrain » la possibilité d’intervenir dans le processus d’amélioration continue de leur activité (kaizen).
Pour autant, beaucoup de managers, fortuitement ou à dessein d’ailleurs, ont continué de considérer que le Lean et le Taylorisme avaient la même vocation : verticaliser le pouvoir et laisser au manager investir l’ensemble du champ décisionnel.
Et voilà l’astuce, le management « bienveillant » peut s’inscrire dans cette vision sans souci. Le manager est là pour « protéger » son collaborateur, auréolé de son autorité héritée.
L’attrape-manager
A mon sens, le management bienveillant n’est qu’un leurre et sera très utile pour justifier l’immobilisme et la conservation d’une organisation du travail vieillissante et obsolète.
Doit-on être bienveillants? Evidemment, c’est une évidence. S’en satisfaire, par contre, apparaît comme une hérésie.
On pourrait dire, en quelque sorte, que la bienveillance est une vision personnelle de ses relations avec les autres. Je vous souhaite de l’être. Sans cette qualité, comment serait-il possible de manager une équipe?
L’intelligence émotionnelle
Dans une des premières formations que j’ai suivie lorsque je suis devenu manager, il avait été évoqué le fait que, dans une entreprise, chacun jouait un « rôle ». Votre collaborateur comme vous-même êtes les acteurs dans la pièce de théâtre qu’est votre entreprise
Je dois avouer que pendant quelques temps, j’avais accepté cette vision comme une fatalité avant de m’interroger : pourquoi devrait-on jouer un rôle?
Car au fond, si tout le monde joue un rôle, alors rien n’est vrai. Et c’est le cas de la communication inter-personnelle en entreprise quand on accepte cet état de fait. Il devient nécessaire de quitter la pièce. C’est à ce prix qu’on gagne le plus important : la confiance.
Cela demande de faire appel à l’une des compétences les plus intéressantes que peut manifester un manager : l’intelligence émotionnelle.
L’intelligence émotionnelle selon le modèle de Goleman développe quatre concepts principaux :
Le premier, la conscience de soi, est la capacité à comprendre ses émotions, à reconnaître leur influence à les utiliser pour guider nos décisions.
Le deuxième concept, la maîtrise de soi, consiste à maîtriser ses émotions et impulsions et à s’adapter à l’évolution de la situation.
Le troisième concept, celui de la conscience sociale, englobe la capacité à détecter et à comprendre les émotions d’autrui et à y réagir.
Enfin, la gestion des relations, qui est le quatrième concept, correspond à la capacité à inspirer et à influencer les autres tout en favorisant leur développement et à gérer les conflits (Goleman, 1998).
https://fr.wikipedia.org/wiki/Intelligence_%C3%A9motionnelle
En tant que manager, prendre conscience de l’importance de l’intelligence émotionnelle est un atout indéniable. Il convient de considérer alors qu’on abandonne sa posture de « parent » pour adopter celle de « l’adulte ».
Il faut communiquer ses sentiments et ses émotions. Si je suis heureux, je me dois de le dire à la personne qui y a contribué. Si je suis en colère, alors il est honnête et sain d’en faire part. Si je suis déçu, il est important que le collaborateur à l’origine de ma déception puisse l’entendre.
Dès lors que les masques tombent, la communication devient saine et efficace, portée par la confiance qu’on saura vous accorder.
Et la bienveillance dans tout ça?
La bienveillance est bien là, comme toujours. De la même façon que vous êtes bienveillants avec vos enfants, vos voisins ou le facteur. La bienveillance est un comportement dont l’usage est une évidence qui ne nécessite pas, à mon sens, cet effet de mode.
Il serait triste, à l’inverse, qu’il empêche d’aller un peu plus avant dans l’amélioration de la richesse des interactions en entreprise.
L’avenir n’est pas à la bienveillance. Il est à la communication apaisée, à l’écoute et à l’empathie. C’est ainsi que le « travailler ensemble » deviendra une réalité.
Merci pour cet article que je découvre tardivement. il a un sens critique du Management bienveillant que j’apprécie. Je me suis reconvertis en tant que Formateur pour adultes avec une spécialisation dans le Management d’équipes. En effet le danger de infantilisation dans la relation avec un employé est grand. j’ai vu et vécu dans mon ancien poste de Manager que le management bienveillant se heurte souvent au management opérationnel. Néanmoins nous en pouvons appliquer les principes tel que l’écoute, l’empathie, intelligence émotionnelle et le travail collaboratif pour ne citer que quelques exemples.