Retour en arrière sur l’épisode précédent (The Team Rises) :
Afin de répondre aux problématiques rencontrées, une nouvelle organisation de la cellule est mise en place. Les objectifs : collaborer radicalement, assurer une qualité de service optimale et effectuer la majorité des traitements dans les deux mois et demi restants. La méthode : libérer le travail pour les membres de l’équipe et leur laisser prendre la main sur l’activité.
Voici donc comment s’est déroulée la suite de l’aventure.
Une collaboration radicale
L’élément décisif pour nous permettre de collaborer efficacement : le déploiement d’un outil de collaboration en ligne. En effet, l’équipe étant décentralisée, répartie dans plusieurs unités de production, une communication efficace était impérativement nécessaire.
Nous sommes alors les premiers à utiliser l’outil de façon opérationnelle (hors activités type projet). J’organise un rapide moment de formation, nous allons de toute façon apprendre ensemble à l’utiliser. Là aussi, l’implication des collaborateurs est essentielle : l’outil doit leur être utile, ce seront à eux d’en construire l’usage.
Je nomme l’un d’entre eux propriétaire de l’espace collaboratif, il pourra reprendre la main en mon absence. L’usage de l’outil est rapidement plébiscité et nous en profitons pour en donner l’accès à des collaborateurs d’autres services, la collaboration est désormais transversale. Ce point sera l’objet d’une grande satisfaction pour tous et d’une grande efficacité.
Parallèlement, une conversation de groupe est mise en place, elle sera le lieu de moments de détente ou de partage qui s’avéreront salvateurs.
Une équipe libérée
L’équipe est lancée, forte de cette vision désormais partagée. Chacun prend en charge sa partie, sans grande intervention de ma part. Les mails sont traités le jour même, les demandes de rappel téléphonique honorés, les dossiers urgents repris.
Là où je peux intervenir, c’est en soutien, lorsque des difficultés sont rencontrées ou que des questionnements se posent. C’est ainsi que le Lean reprend, en quelque sorte, sa place puisque l’optimisation est réellement continue et elle est l’affaire de tous.
Chaque problématique remontée est affichée à toute l’équipe et examinée par mes soins. Soit une réponse peut être immédiatement apportée, dans ce cas toute l’équipe en est informée dans l’outil de travail collaboratif et les procédures sont, le cas échéant, mises à jour. Dans le cas contraire, j’interviens alors le vendredi lors d’une routine qualité pour décider, conjointement avec les autres services, le positionnement à adopter.
Pari rempli?
Détacher les agents de leurs objectifs de ratios de production était en quelque sorte un risque, la supervision individuelle se limitant alors aux aspects qualitatifs de l’activité. Comment s’assurer que l’objectif sera atteint dans ces conditions?
Je crois que tout se résume finalement à une exigence de confiance réciproque. Cette confiance est un pré-requis, et c’est probablement la plus grande difficulté lorsque l’on s’engage dans cette voie. Mais si c’est le cas, alors on peut avoir de grandes satisfactions.
C’est ainsi que l’objectif de clôturer les traitements au 30 juin devint rapidement futile : le taux d’avancement avait bondi en 3 semaines ! La participation d’un agent d’un autre service à l’activité acheva l’affaire, tout avait fonctionné avec une efficience évidente.
Regarder une équipe fonctionner de façon autonome est un plaisir. Je constatais chaque jour les membres de l’équipe s’entraider, s’encourager, se soutenir. La réussite du collectif était réelle. La possibilité de travailler « autrement » n’était pas qu’une utopie.
The end…
Arriva le moment où l’état d’avancement ne nécessitait plus de détachement. J’en informai donc l’équipe en pensant que, fatigué par la charge de travail, ils seraient soulagés de pouvoir faire un break.
Ma surprise fut de taille puisqu’ils exprimèrent leur déception. Ils voulaient continuer, aller au bout. Un petit moment de déprime se fit ressentir dans la conversation, et des mots d’encouragements pour la suite.
C’est aussi à ce moment que j’eus mon plus grand moment de satisfaction, lorsque je lus ces mots « merci de nous avoir soutenus ». A la vérité, je pense que ce sont eux qui se sont eux-même soutenus.
Eléments de conclusion
Quel regard apporter sur tout ça? Je vais vous donner le mien : il existe bien une manière d’aborder différemment le management. Comme évoqué précédemment, cela nécessite plusieurs choses.
D’abord, une remise en question et une prise de recul sur sa propre façon de manager. Elle reste essentielle.
Tout aussi essentielle est la connaissance de soi-même. Avant de pouvoir faciliter le travail de son équipe, il s’agit de savoir ce qui facilite le notre, avoir sa propre vision. C’est sur celle-ci qu’il faudra s’appuyer, parfois dans l’adversité.
Une autre compétence comportementale indispensable : l’empathie. Certains parleront de « management bienveillant » mais à mon sens, l’empathie est un meilleur terme. Savoir se mettre à la place de l’autre, accepter la différence, soutenir et accompagner permet de grandir ensemble et de connaître ses collaborateurs, leurs souhaits, ce qui les fait avancer, ce qui leur donne du plaisir au travail. Nous reparlerons de l’empathie dans l’article que je consacrerai à la démarche design.
Autre élément sur lequel il ne faut pas faire l’impasse : l’honnêteté. Il faut savoir dire les choses. Dire quand on se trompe également, car le manager est un humain aussi (premièrement) mais aussi parce que le droit à l’erreur doit être valorisé : faire des erreurs c’est apprendre, c’est progresser, c’est innover. Transmettre cette notion, c’est favoriser l’autonomie et la créativité de vos collaborateurs.
Bien évidemment, le positionnement du manager devient alors essentiel. Il n’est plus donneur d’ordre ou superviseur mais plutôt guide ou soutien. C’est donc accepter, d’une certaine façon, de « perdre » du pouvoir sur ses collaborateurs. Je mets l’expression entre guillemets puisque si l’équipe vous fait confiance, alors l’autorité naturelle induite est bien plus forte que n’importe quel pouvoir hérité de sa fonction.
Il est urgent de tenter
Ne croyez pas qu’il n’y a pas besoin d’être quelqu’un d’exceptionnel pour parvenir à faire bouger les lignes en matière d’organisation du travail, d’ailleurs je ne le suis pas.
Il suffit, selon moi, de beaucoup de bon sens et d’humilité. Si vous avez subi ma prose jusqu’ici, alors très probablement vous possédez les qualités nécessaires : le recul, l’empathie, l’honnêteté, la créativité. Probablement aussi, vous avez envie d’envisager de nouvelles manières de manager. Alors il est essentiel de croire en vous et de tenter.
Est-ce que le fonctionnement tel que je l’ai décrit est transférable en l’état? Non. Mon récit n’est que le résultat d’une co-construction avec mon équipe. Est-ce que le fonctionnement est parfait? Non, certaines choses sont à améliorer, c’est ce qui fait le sel du métier.
Notre équipe « idéale »
Voilà pour cette aventure humaine. Par la suite, j’ai à nouveau sollicité l’équipe pour différentes missions et nous avons eu beaucoup d’opportunités de travailler ensemble avec plaisir, notamment par la mise en place d’ateliers d’optimisation (j’y reviendrai). A vrai dire, lorsque j’ai un moment de doute, lorsque je me trompe, lorsque j’échoue au travail, c’est vers cette équipe « idéale » que je me tourne car, moi aussi, je m’y sens bien. Au fond, je souhaitais créer mon équipe « idéale ». Je me trompais encore. Nous avons en réalité créé NOTRE équipe « idéale ».